Déroulé de la journée
Un peu moins de 2h30 de marche ont permis au groupe d’atteindre le refuge depuis le parking du Pont d’Espagne.
Après un petit café pris sur la terrasse au soleil devant la façade principale sud, la visite a démarré sous la houlette de Laurent Gaudu, de l’agence 360° - architecte mandataire du projet, accompagné de Jean Orliac, de l’agence Michele&Miquel - architecte co-traitant et de Guilhem Susong, de la Commission Syndicale de la Vallée de Saint-Savin - maître d’ouvrage du projet et de Sylvain Giessner, du bureau d’études C+POS - bureau d’études environnemental et énergétique sur le projet.
La présentation de l’ambition programmatique, du patrimoine historique, du contexte réglementaire très contraint, du parti-pris architectural et des objectifs énergétiques ont été présentés en extérieur, avant de découvrir l’intérieur chaleureux des locaux restructurés et réaménagés.
En bonus, le groupe a pu assister à des scènes d’héliportages, ce jour-là ayant été choisi pour réalimenter le refuge en vivres et autres charges diverses.
Le déjeuner pris au refuge a permis de poursuivre les échanges, avant de redescendre dans la vallée avec de belles images dans la tête.
Envirobat Occitanie remercie encore tous les acteurs qui ont rendu cette rando-visite possible pour leur accueil chaleureux et leurs explications riches en enseignements !
Notes de visite
- Contexte programmatique
L’ancien refuge présentait des problématiques de confort, de complexité d’exploitation, de pérennité des ouvrages et de sécurité incendie non réglés malgré certains correctifs apportés au fil des ans. Le spectre d’une fermeture imminente imposait la réalisation de travaux pour garantir la sécurité et maintenir l’attractivité touristique du lieu.
Le nouveau refuge conserve une capacité de 120 couchages, avec une surface de plancher augmentée, et peut délivrer jusqu’à 180 repas par jour. Il est ouvert toute l’année sauf de novembre à mi-décembre.
- Contexte réglementaire
Situé en zone cœur de Parc National, Natura 2000, site classé... soumis à la loi sur l’Eau et également placé sous arrêté d’archéologie préventive, le projet a nécessité la réalisation de nombreuses études afin de limiter ses impacts.
Une demande d’Unité Touristique Nouvelle a notamment été nécessaire, portant la durée totale des études à 4 ans et non 2.
Pour satisfaire aux exigences de sécurité incendie, une étude d’ingénierie de désenfumage a été réalisée.
- Parti-pris architectural
Le chalet Wallon - d’un seul niveau - avait été relié au refuge Marcadau - de 2 niveaux - dans les années 1960. La volonté des architectes a été de préserver cette mémoire tout en créant l’image d’un refuge moderne qui relie les 2 anciens bâtiments. Les façades en pierre et les traces des pignons conservées d’un côté, avec les surélévations en bois de l’autre, permettent de garder cette empreinte historique toujours visible.
Le volume unitaire du nouveau bâtiment a été conçu pour répondre à l’échelle majestueuse du site.
La façade nord, sujette à des grosses accumulations de neige l’hiver - pouvant aller jusqu’à 5 ou 6 mètres de hauteur - et à des infiltrations d’eau, a été traitée par une couverture cintrée en inox d’un seul mouvement, réalisant la façade et la toiture.
L’angle donné à ce « manteau » se retrouve sur les éléments structurels bois de la façade sud.
Cette rythmique de structure se retrouve dans les espaces intérieurs de circulation, à l’image d’une coque de bateau renversé.
Ces circulations, particulièrement larges comme demandé au programme, ne sont pas de simples lieux de passage mais des lieux de vie et d’échanges bénéficiant d’un très bon éclairement naturel. Des expositions organisées par le Parc National des Pyrénées devraient également s’y tenir.
Le hall d’entrée en triple hauteur ménage des vues généreuses sur l’extérieur.
- Chantier par héliportage
La nécessité d’approvisionner le chantier par héliportage (charge limitée à 800 kg par rotation) a fortement conditionné le déroulé du chantier : le rôle de l’OPC a été primordial et les entreprises ont dû s’adapter aux horaires et aux rendements imposés.
Cela a également impacté la conception du projet : la préfabrication a été privilégiée, en dimensionnement les éléments en fonction de la charge admissible (les arcs, par exemple, sont ainsi constitués de 2 éléments).
Pour la mise en oeuvre sur chantier, le choix a été fait de procéder avec une grue avec flèche afin de limiter le recours à l’hélicoptère.
En règle générale les héliportages - sous autorisation du Parc - avaient lieu 2 fois par semaine.
Les ouvriers étaient logés sur place, du lundi au jeudi. En raison du COVID, leur nombre a été réduit car il n’a pas été possible de les loger suivant le phasage prévu. Au total, le chantier aura duré un peu plus de 2 ans.
Comme pour tout chantier de ce type aux conditions de travail particulières, la concurrence a été limitée par le peu d’entreprises qui se sont positionnées.
- Choix énergétiques
Le refuge est énergétiquement autonome grâce à plusieurs leviers : une réduction des besoins en visant un confort thermique parcimonieux et deux sources principales de production d’énergie via une pico-centrale hydraulique et des panneaux photovoltaïques. L’objectif était de rester simple dans les choix techniques afin de favoriser robustesse et facilité d’exploitation. La complexité réside dans la nécessité de rester dans des niveaux de consommation compatibles avec l’énergie produite tout en maîtrisant les puissances appelées. Le prévisionnel de consommation annuel est d’environ 80 kWhef/m².an.
Le confort thermique d’hiver est traité par des enduits chaux-chanvre sur les murs en pierre afin de lutter contre le phénomène de paroi froide. Les contraintes de sécurité incendie ont amené à avoir des enduits peu chargés en fibres ce qui a généré quelques fissures, mais la principale difficulté a résidé dans le temps de séchage. Le système de chauffage choisi : 2 poêles bouilleurs à granulés de bois de 20 kW chacun, est limité en puissance mais permet de maintenir une température convenable dans les zones occupées en hiver.
La qualité de l’air est assurée par une VMC l’hiver, dimensionnée aux besoins de l’occupation hivernale, qui a pour rôle de limiter l’humidité et les odeurs dans le bâtiment. Le renouvellement d’air se fait naturellement l’été par entrées/sorties d’air ou ouverture des fenêtres oscillo-battantes.
Une nouvelle adduction d’eau a été réalisée car la source existante ne suffisait plus aux besoins du refuge. 2,5 km de conduites sont enterrées depuis le nouveau point de captage situé 400 m plus haut que le refuge. Celle-ci permet d’alimenter le refuge en eau potable et de faire fonctionner la pico-centrale, qui produit entre 4 et 8 kWe en continu.
L’eau chaude pour les douches gardiens, les douches randonneurs (au nombre de 3 avec jetons payants et temporisation) et la cuisine est préparée avec l’électricité produite en surplus par la pico-centrale. Ces ballons électriques sont donc utilisés comme accumulateurs d’énergie et participent à la stratégie de maximisation de l’usage de l’électricité produite par la pico-centrale. De plus, la chaleur des chutes du bloc douches randonneurs est récupérée en local technique pour préchauffer l’eau froide.
Les lavabos ne disposent pas d’eau chaude. Les équipements de cuisine ont été choisis drastiquement pour limiter les consommations d’eau et d’énergie et 2 toilettes sèches avec lombri-compostage sont accessibles toute l’année.
L’installation photovoltaïque (surface de 60 m² de panneaux pour environ 9 kWc) est dimensionnée pour alimenter les équipements les plus importants : éclairage, sécurité, ventilation, réfrigération de la cuisine. Ils sont intégrés sur la façade sud de manière à être protégés de l’enneigement et de risque de dégradations par chute de glace.
Le refuge dispose en outre d’un groupe électrogène de secours.
- Traitement des espaces extérieurs
Un écologue a été présent pendant toute la durée de chantier pour éviter au maximum de perturber les écoulements en place et dénaturer le milieu. La technique des mottes - enlevées et replacées après travaux - a été utilisée lors de la réalisation de l’adduction d’eau pour faciliter la repousse des végétaux.
La terrasse est quant à elle réensemencée avec des graines récupérées un peu plus bas sur le plateau par une entreprise locale spécialisée en restauration écologique de terrains dégradés.