Les filières bois et chanvre étaient à l’ordre du jour de cette journée organisée dans le cadre de l’animation régionale inter-filières réalisée par Envirobat Occitanie, avec la visite de la scierie Granié à Martiel le matin et celle de la chanvrière Virgocoop et de l’entreprise Burg à Caylus l’après-midi.
Visite de la scierie GRANIÉ, Les Allemands, 12200 Martiel
C’est sous une pluie battante que nos courageux professionnels se sont retrouvés à Martiel, en Aveyron, pour découvrir la scierie Granié. Fondée en 1964 par le grand-père de Pascal Granié, l’actuel gérant, la scierie Granié est une affaire de famille.
Cette scierie artisanale joue sur la polyvalence de ses activités pour tirer son épingle du jeu dans un contexte social et économique complexe : exploitation forestière, scierie (parquet, lambris, volige, charpente...), transport, bois de chauffage (bûches et plaquettes) et même un marché résiduel de traverses de voies de chemin de fer.
La scierie travaille principalement le chêne, le peuplier et le douglas, en standard ou à la demande. Elle vend ses produits aux professionnels, aux distributeurs de matériaux et aux particuliers, dont la demande a augmenté d’environ 15% suite à la période COVID.
L’entreprise emploie entre 12 et 14 salariés et sort environ 6000 m3 de produits par an.
Véritable passionné du bois, Pascal Granié a partagé avec les participants sa façon de travailler et sa vision du secteur sans oublier d’aborder les difficultés de son métier, comme par exemple le recrutement avec la difficulté de fidéliser les jeunes.
De nombreux échanges sur la place des résineux dans le secteur de la construction et la gestion des feuillus ont alimenté les débats. La scierie essaie de réhabiliter l’usage du peuplier pour les charpentes, à travers la réalisation de liteaux qui, contrairement au sapin, n’ont pas besoin de traitement et résistent bien au temps. Mais il est vrai que les variétés de peupliers adaptés à cet usage se font malheureusement de plus en plus rares sur le territoire.
La visite des installations a permis de découvrir le circuit effectué par les grumes pour devenir des produits pour la construction ou l’aménagement : l’étape de décorçage, puis le passage à la scie de tête, puis à la scie de reprise et enfin à la déligneuse.
Le poste de scieur de tête est essentiel car c’est là que doit se juger correctement la qualité du bois de façon à en tirer le meilleur parti. Il faut environ 1 an pour former un bon scieur de tête.
La visite s’est poursuivie par l’atelier d’affûtage des outils puis des installations extérieures, dont le séchoir, qui fonctionne aujourd’hui au gaz, et le hangar à plaquettes forestières pour le bois énergie.
L’entreprise dispose d’une cellule de séchage de 30 m3. Le séchoir permet d’abaisser l’humidité des bois en-dessous des 8% pour qu’ils se stabilisent ensuite autour des 12% à la sortie.
Les bois sont d’abord séchés en plein air, pour une durée variable suivant les conditions de températures et de vent, et bien sûr des essences. Le temps de passage au séchoir est également très variable et peut aller par exemple de 3 semaines à presque 2 mois.
Finissons par le mantra, emprunté à André Valadier – paysan-éleveur, entrepreneur, militant et homme politique de l’Aubrac – qui anime Pascal Granié :
« La tradition sans modernité est stérile, mais la modernité sans tradition est aveugle ».
Visite de la chanvrière de VIRGOCOOP et de l’entreprise SARL SEE BURG - 82160 Caylus
Après une sympathique pause déjeuner au restaurant La Glèbe à Savignac, les participants ont mis le cap sur Caylus, à quelques kilomètres de là, pour découvrir la chanvrière de Virgocoop implantée sur le nouveau site de l’entreprise de construction Burg.
Virgocoop est une coopérative de l’économie sociale et solidaire, sous forme de SCIC (Société coopérative d’intérêt collectif), où chacun peut devenir sociétaire (ils sont 350 aujourd’hui). L’ambition première de la coopérative est de redonner du sens au secteur textile en développant une approche éthique et écologique, ainsi que l’explique Johan Vancadare, son co-fondateur et directeur général. Cela passe par une relocalisation de la filière au maximum, via notamment la production de chanvre puis la production de fibres techniques pour le secteur textile et de chènevotte pour le secteur bâtiment.
Dominique Burg, gérant de l’entreprise de maçonnerie traditionnelle SEE Burg, a témoigné du virage pris par son entreprise il y a une dizaine d’année pour le chaux-chanvre, à la fois pour ses différents atouts (stockeur de carbone, écrêteur de pics de chaleur, co-produit du secteur textile) et sa compatibilité avec le bâti ancien, mais en regrettant les difficultés rencontrées pour s’approvisionner. C’est pourquoi il a beaucoup œuvré au développement de la chanvrière occitane, dans une logique d’approvisionnement en circuit court.
Julien Bonnet, responsable de la chanvrière, a ensuite pris le relai pour détailler ce qu’est le chanvre et comment il est transformé sur le site de Caylus.
La culture du chanvre est réalisée dans les départements de l’Aveyron, du Lot, du Tarn et du Tarn-et-Garonne. Le chanvre est une plante qui pousse rapidement, qui ne nécessite pas d’intrant et ne requiert pas beaucoup d’eau, et qui stocke beaucoup de carbone (15 tonnes en 6 mois). C’est sa tige qui nous intéresse pour le textile et le bâtiment : la chènevotte est en le squelette et les fibres sa partie périphérique. La chènevotte est très poreuse (elle absorbe 14 fois plus que la paille de blé) et doit être séparée des fibres par un processus mécanique particulier (la séparation ne se fait pas au champ).
Pour un bon défibrage, de bonnes fibres et une bonne chènevotte, il est essentiel que les pectines et lignines – qui fournissent la cohésion aux tiges – soient auparavant éliminées au maximum. Cela se fait notamment grâce à l’étape de « rouissage », en laissant les pailles au sol pendant 1 à 2 mois avant de les mettre en balle.
Les balles sont fournies à environ 5% d’humidité et sont aujourd’hui toutes « bio ».
La construction de l’usine de défibrage de Caylus et des hangars de stockage des pailles a débuté début 2023. Aujourd’hui l’usine comporte 2 lignes de défibrage, l’une pour produire des fibres plutôt courtes et l’autre pour des fibres plus longues.
Le process de transformation consiste tout d’abord à rouvrir les balles compressées pour le transport, puis à séparer les matières via différentes étapes, d’abord grossières puis de plus en plus fines, pour finir par la cardeuse pour les fibres.
Le process génère de la poussière, aujourd’hui peu valorisée mais qui pourrait être intéressante pour l’amendement agricole au vu des teneurs en phosphore, nitrates et carbone.
Les fils 100% chanvre ne sont pas encore réalisés en local (filatures en Normandie ou à l’étranger, en Belgique ou en Pologne). Mélangés à de la laine ils peuvent l’être en Ariège.
Pour le tissage, Virgocoop travaille avec une atelier situé près de Castres (Tissages d’Autan).
La visite s’est poursuivie par la présentation des outils de Burg Construction pour la projection de béton de chanvre. Le couplage granulat Virgocoop - liant est en cours de caractérisation, avec l’objectif de pouvoir intégrer les règles professionnelles prochainement. En parallèle, l’entreprise travaille également à la réalisation de blocs préfabriqués. Pour finir, Dominique Burg a présenté différents chantiers réalisés par l’entreprise, sur lesquels il a de très bons retours sur le confort.
Laissons le mot de la fin à Dominique Burg :
« En tant qu’entreprise, il ne faut pas hésiter à muter. Tout est en place pour faire de la construction chanvre ! »
Envirobat Occitanie et Fibois Occitanie remercient tout particulièrement Pascal Granié, Johan Vacandare, Julien Bonnet et Dominique Burg pour leur accueil chaleureux et l’enthousiasme qu’ils ont mis à nous faire découvrir les coulisses de leurs sociétés. Merci également à l’ensemble des professionnel
les qui se sont mobilisé e s et à la DREAL pour son soutien financier.