Visite de la Scierie Galonnier
Implantée à Curvalle (81), la scierie Galonnier a été fondée à la fin des années 1980. L’entreprise familiale, qui emploie actuellement 3 personnes, s’est spécialisée dans la transformation des feuillus.
Châtaignier, chêne, frêne, peuplier, merisier mais aussi douglas, cèdre, robinier... En passionné, Laurent Galonnier nous à présenté les différentes essences de bois qu’il travaille et les propriétés de chacune d’entre elles.
La scierie Galonnier travaille avec les professionnels comme avec les particuliers, pour des usages multiples : charpentes, menuiseries, parquets, bardages, lambris, terrasses...
La scierie a misé sur la ressource locale : environ 80% du bois provient de 2 fournisseurs locaux, l’approvisionnement le plus lointain étant situé à 20 km. Outre la proximité et les vertus du circuit court, Laurent Galonnier apprécie la relation de confiance avec ses fournisseurs : « Ils savent comment je travaille et la qualité que j’attends ». Il met par exemple un point d’honneur à ce que la coupe du bois soit effectuée avant le retour de la sève.
Côté économie circulaire, la scierie n’est pas en reste : la sciure est valorisée en paillage par un éleveur voisin (la sciure offre en effet une meilleure absorption que la paille, à laquelle elle reste combinée pour le confort des animaux) ; les dosses sont vendues à la Tarnaise des Panneaux (entreprise du Tarn qui fabrique des panneaux haute densité en fibre de bois) et les chutes de bois durs vendues en bois de chauffage.
La scierie dispose d’un séchoir au gaz pour les bois de menuiserie, les autres équipements techniques fonctionnent à l’électricité.
L’augmentation actuelle des prix est une réalité et représente une forte contrainte pour préserver la qualité pratiquée par la scierie. En particulier pour les feuillus, qui présentent des coûts d’exploitation plus élevés que les résineux (terrains pentus...) et des temps de séchage plus importants (6 mois à 1 an à l’air libre avant de passer 4 à 6 semaines en séchoir). Mais qui ont, en contrepartie, des avantages comme de moindres variations dimensionnelles, une meilleure durabilité des ouvrages finis, etc.
Laurent Galonnier met ainsi en garde les artisans de notre région, qui doivent davantage anticiper leurs commandes.
Présentation des activités du Pôle Européen de la Céramique
Florent Begey, responsable Occitanie du Pôle Européen de la Céramique, a relevé le défi de nous présenter en quelques minutes avant la pause déjeuner les principales missions du Pôle.
Implanté à Limoges, avec une antenne à Toulouse, le Pôle créé en 2002 est labellisé Pôle de compétitivité depuis 2005.
Riche de 180 adhérents (dont les briqueteries locales Nagen, Bouisset, Terres cuites du Savès, BTC...) et de nombreux partenariats, le Pôle structure la filière des céramiques traditionnelles et techniques, soutien l’innovation et le développement économique des PME dans de nombreux domaines d’activités : luxe & création ; santé, environnement & habitat ; transport & énergie ; électronique & photonique.
Sur la thématique des matériaux, le Pôle suit par exemple le projet de Pôle d’Excellence de la terre cuite de la Mairie de Launaguet et celui de la réhabilitation de la faïencerie du MATET pour en fait une pépinière liées au matériaux de la Mairie de Martres-Tolosane.
En lien avec l’innovation, le Pôle suit par exemple les activités autour de la gélivité de la terre cuite, la fabrication additive, la récupération de chaleur, la réincorporation des déchets d’autres filières dans la fabrication de céramique...
Le Pôle a mis en place un groupe de travail « Céramiques traditionnelles » pour favoriser les échanges entres les acteurs de la filières, initier de l’innovation et des collaborations et sourcer leurs besoins.
Visite de Briques Technic Concept
L’entreprise Briques Technic Concept est née en 2012, sous l’impulsion d’Etienne Gay et sur la base de préoccupations éthiques et environnementales. C’est l’histoire de la rencontre entre un homme et un matériau : la brique de terre crue compressée, dite « BTC ». Issue de l’utilisation de terre d’excavation ou de recyclage, la BTC offre de nombreux atouts d’un point de vue environnemental et ses caractéristiques hygrothermiques et acoustiques en font un matériau de choix pour garantir le confort dans les bâtiments.
Implantée à Graulhet, Briques Technic Concept s’étend sur 2 sites de production qui ont fait l’objet de la visite :
- le 1er, le site historique, est celui de la production de briques manuportables - qui pèsent entre 3 kg et 17 kg sèches - à l’aide de la presse « Flexiterre ». Flexiterre est l’évolution de la première presse « Prototerre » fabriquée dès 2015, beaucoup plus robotisée de manière à maîtriser le process et donc la qualité des briques. Cela permet de diminuer les coefficients de sécurité pris sur les chantiers et de préserver la santé humaine puisqu’il s’agit d’une activité très physique. Le séchage des briques dure entre 1 mois jusqu’à 3 ou 4 mois l’hiver, sous cure humide lorsque celles-ci sont stabilisées à la chaux. Si le chantier dépasse les 120 km, ce ne sont plus les briques qui sont transportées mais la machine elle-même.
Ce site comprend également le laboratoire, dans lequel sont faits des tests de caractérisation de la matière première, du contrôle qualité des produits finis et de la R&D. Aujourd’hui les briques produites par BTC contiennent entre 0 et 6,5% de liant chaux pour la stabilité, l’objectif étant de diminuer ce taux de manière à améliorer le bilan carbone.
- le 2e site est celui de la production de gros blocs préfabriqués de 40 x 30 x 120 cm à l’aide de la machine « Novaterre ». Ce sont ces blocs qui servent dans l’opération BDO "Carré Flore" à Cornebarrieu qui a également fait l’objet d’une visite le même mois. Novaterre permet de traiter de 50 à 60 tonnes de terre par jour. Celle-ci provient d’une carrière située à 25 km, elle est travaillée à 12% d’humidité et est adjuvantée de chaux. La pose de ces blocs sur chantier se fait à l’aide d’une grue, ce qui augmente la cadence de pose et diminue le coût fourni-posé. Le coût d’un bloc est en effet plus élevé que celui d’une brique, mais sert pour du porteur et non du remplissage.
Depuis sa création, BTC réalise la conception mécanique de ses machines, en partenariat avec des entreprises locales pour l’hydraulique et l’automatisation. Comme le souligne Etienne Gay : « On travaille un matériau low-tech avec les moyens de la high-tech ».
Table ronde - La terre crue industrielle : une solution compétitive pour la construction bas-carbone
Extraits choisis des interventions qui ont marqué la table ronde :
"J’ai démarré l’activité il y a 10 ans comme artisan, en découvrant le matériau, en étant convaincu que ses lettres de noblesse suffiraient à ce que ça se développe. J’ai dû faire face à une désillusion : pour se développer, le matériau doit montrer du suivi, une maîtrise du process et des résultats. Et cela passe par l’industrialisation. [...] Si les briques ne rentrent pas dans un coût marché, elles n’ont aucune légitimité. Si la terre crue ne se développe pas plus vite, c’est parce qu’économiquement, elle est difficilement défendable. On assiste à une forme de clivage dans la filière terre crue, entre ceux qui stabilisent et ceux qui ne stabilisent pas (qui seraient plus vertueux). Je pense que ce n’est pas antinomique, il y a 2 pôles : le pôle industriel et le pôle artisanal. En avançant, je me suis rendu compte qu’on pouvait être industriel et vertueux ; c’est une question d’étalonnage, d’équilibre."
– Etienne GAY, Fondateur et Président de Briques Technic Concept
"C’est aux aménageurs et aux collectivités de donner l’impulsion ; leur métier est d’être visionnaires. [...] Un projet immobilier, c’est 3-4 ans de gestation. Je crois fortement que le coût des matériaux (indissociable des énergies fossiles) ne va faire qu’augmenter et qu’on arrivera à un moment où le coût sera (j’espère) inférieur en terre crue. La réponse du coût est à voir dans la durée. Oui, il y a 10-15% de coût supérieur sur la terre crue. Mais je pense que la sensibilisation qu’on peut avoir avec les aménageurs et les villes, avec des prix maîtrisés de foncier, des opérations encadrées, vont permettre de démocratiser suffisamment l’outil de production pour le généraliser dans le diffus."
– Pierre AOUN, Directeur Général de LP Promotion
"La terre crue est l’un des seuls matériaux non-transformés capable de générer des changements de phase. Dans 1 m² de mur de 40 cm d’épaisseur, il y a environ 30 litres d’eau liquide. Il y a donc constamment des échanges qui apportent de l’énergie gratuite, pour réchauffer ou refroidir l’ambiance. Cette propriété unique nous donne envie de voir ce matériau utilisé en intérieur, idéalement sans doublage pour bénéficier au confort des occupants."
– Elian LATOUR, Co-fondateur du bureau d’études environnemental EcoZimut
"On se heurte pour l’instant à un contexte normatif peu développé en France. Cela change depuis quelques années, notamment avec le travail de BTC. Mais on a encore tout à écrire et on doit faire nos preuves pour lever les verrous et obtenir la confiance de toute la filière : CSTB, bureaux de contrôle, maîtres d’ouvrage… Il faut bien comprendre qu’entre les propriétés mécaniques intrinsèques du matériau – que l’on peut mesurer – et la valeur de calcul de résistance mécanique considérée pour dimensionner les ouvrages, on divise la capacité mécanique par un facteur assez élevé, en tenant compte des imperfections de la vraie vie. Plus on pourra travailler sur la normalisation / standardisation, plus on pourra réduire ces coefficients de sécurité et donc augmenter la capacité à la justification. Cela permettra, entre autres, de réduire la quantité de liant mise en œuvre dans la brique."
– Guillaume NIEL, Directeur du bureau d’études Terrel à Toulouse
"La brique de terre crue est aujourd’hui une technique non-traditionnelle. Il n’y a pas de normes et il faut donc se baser sur d’autres référentiels ; idéalement une ATEX. Quelque chose qui va nous permettre de rassurer l’assureur. [...] Côté réaction au feu, la terre est incombustible, donc pas de problème. Mais pour la résistance au feu, il va falloir justifier qu’une paroi ou une structure va être stable au feu, coupe-feu ou pare-flammes… et d’un degré de 30 minutes à 2 heures. Sur ce point, il faut qu’on trouve des solutions. A certains endroits, la stabilisation sera peut-être nécessaire."
– Ghislain BASCOUL, Ingénieur bureau de contrôle APAVE
"Comme le dit Alain BORNAREL, "On a gagné la bataille des idées… mais on n’a pas gagné le terrain". La réalité de nos actions, c’est sur le terrain que ça se joue. Aujourd’hui, nous sommes tous persuadés qu’il faut absolument faire autrement, qu’on ne va pas continuer à bétonniser notre terre, que ça n’a plus de sens. Les autres matériaux pour le faire sont donc indispensables et permettent de renouveler l’architecture, qui sort de la monoculture du béton. [...] Aujourd’hui, la maîtrise des ressources liées à l’économie mondialisée amène aux guerres. Ces techniques, savoir-faire et matériaux alternatifs et de proximité participent à la paix. [...]
Je ne crois pas beaucoup à l’absence de prise de risque. […] Je pense que c’est maintenant qu’on a des risques à prendre, […] en essayant, collectivement. Non pas d’expérimenter, […] il faut arrêter d’expérimenter et passer à la massification de ce que l’on sait. Pour ne pas perdre la bataille du terrain, on a absolument besoin que tout ce qui se développe aujourd’hui dans le sens de l’écoresponsabilité trouve sa place. »
– Philippe MADEC, Architecte
Envirobat Occitanie remercie encore la Scierie Galonnier et Briques Technic Concept d’avoir ouvert leurs portes et accueilli chaleureusement tous les participants à cette journée !